Une mère a quitté le domicile conjugal accompagnée de sa fille en fraude des droits du père pour s’installer a Saint-Brieuc. Madame a saisi le juge aux affaires familiales de Saint-Brieuc pour solliciter la fixation de la résidence habituelle de sa fille à son domicile.
Par ordonnance du 11 mai 2021, le juge aux affaires familiales de Saint-Brieuc (ville de résidence de la mère), s’est déclaré incompétent justifiant sa décision par le départ de la mère du domicile familial avec sa fille en fraude des droits du père.
Extrait de l’ordonnance du 11 mai 2021 du juge aux affaires familiales de Saint-Brieuc :
« Les éléments de la procédure témoignent de ce que les époux et leur fille vivaient ensemble à Paris (…) où l'époux réside toujours jusqu'à ce que madame (…) quitte le domicile conjugal avec (l’enfant) le 17 mars 2020 poux s'installer chez son père à Saint-Brieuc sans avoir au préalable informé son époux de son intention de mettre un terme définitif à la vie commune et de fixer la résidence de l'enfant dans cette ville très éloignée géographiquement. »
(…)
« En quittant (…) le domicile conjugal avec (l’enfant) aux mépris des droits du père, madame (…) ne peut se prévaloir du lieu actuel de résidence de l'enfant qu'elle a unilatéralement fixé en fraude des droits du père pour considérer que le juge aux affaires familiales de Saint-Brieuc est territorialement compétent. »
Il sera en conséquence fait droit à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par monsieur (…). »
L’ordonnance de non-conciliation du 08 juillet 2021 rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris (tribunal compétent) a fixé la résidence habituelle de l’enfant au domicile du père auquel il a accordé la jouissance du domicile conjugal situé à Paris.
La mère quant a elle dispose d’un droit de visite et d’hébergement à l’égard de sa fille et paie une
contribution à l’entretien et l’éducation de sa fille d’une somme mensuelle de 150 euros.
Cette décision fait suite à l’épisode susmentionné d’éloignement géographique de la mère. A cette occasion,
le père n’a pu avoir aucun contact avec sa fille et ce, durant une période de deux mois.
Pour justifier ce départ du domicile conjugal avec sa fille en fraude des droits du père, la mère invoque
l’accord signé entre elle et le père autorisant à ce que la résidence habituelle de l’enfant soit fixé chez la mère en cas de divorce. Or, cet accord a été soutiré au père contre son gré dans un état de dépendance puisqu’il risquait en cas de refus, de ne plus revoir sa fille.
Extrait de l’ordonnance de non-conciliation contradictoire rendue le 8 juillet 2021 :
« Outre ce constat d'un départ du domicile conjugal en fraude des droits du père, il apparaît, au regard des pièces versées aux débats, que Madame (…) ne favorise pas toujours les liens entre le père et la fille en ayant par exemple attendu pour communiquer sa nouvelle adresse à Monsieur (…), en ayant tendance à réglementer les appels de ce dernier et en manquant parfois de souplesse quant à l'exercice par le père de ses droits d'accueil, alors même qu'elle est à l'origine d'une séparation brutale entre le père et sa fille. Quant à l'accord dont elle se prévaut, il apparaît, comme l'a relevé le juge aux affaires familiales de Saint-Brieuc, qu'il est intervenu dans un contexte de privation des droits du père et qui, dès lors, ne saurait résidence de l'enfant rapporter la preuve de son consentement relativement aux modalités de fixation de la résidence de l’enfant.
Par ailleurs, alors qu'elle a décidé de manière unilatérale de bouleverser le mode de vie de (l’enfant) en l'éloignant de son père, en la forçant à quitter son domicile et son école, elle ne peut se prévaloir aujourd'hui des conséquences sur (l’enfant) d'un changement d'environnement pour justifier la fixation de sa résidence à Saint-Brieuc, étant elle-même à l'origine du changement initial.
Aussi, eu égard à ces éléments et notamment au non-respect par Madame (…) des règles de l'autoritéparentale conjointe, aux qualités éducatives de Monsieur (…) non contestées et à l'absence de
démonstration par la mère d'une plus grande conformité à l'intérêt (de l’enfant) de la nouvelle vie
qu'elle propose à Saint-Brieuc par rapport à la vie parisienne que celle-ci a connu depuis sa
naissance, il convient de fixer la résidence habituelle de l'enfant chez son père.
La mère a interjeté appel de cette ordonnance de non-conciliation. Le 16 mai 2023, la cour d’appel de Paris rend un arrêt confirmatif de l’ordonnance. Cet arrêt confirme toutes les dispositions de l’ordonnance. La cour d’appel maintient la résidence habituelle chez le père ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement de l’enfant au profit de la mère. En outre, elle maintien la contribution de la mère à l’entretien et l’éducation de l’enfant d’une somme mensuelle de 150 euros.
Extrait de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2023 :
Par ordonnance de non-conciliation contradictoire rendue le 8 juillet 2021, le juge aux affaires familiales
du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
(…)
- Fixé la résidence habituelle de (l’enfant) au domicile de M.(…),
- Dit que Mme (…) exerce à l'égard de (l’enfant) un droit de visite et d'hébergement libre et, à
défaut de meilleur accord, ce droit s'exercera :
o En dehors des périodes de vacances scolaires, la première fin de semaine de chaque
mois, du vendredi sortie des classes au dimanche à 18 heures, étant précisé que le rang
de la fin de semaine est déterminé par le rang du samedi dans le mois,
o La première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les
années impaires, y compris pendant les vacances scolaires d'été,
- Dit que Mme (…) a la charge d'aller chercher l'enfant, de le faire chercher, de le ramener, de le
faire ramener au lieu de sa résidence habituelle ou à son école, le coût de ces trajets devant être
assumé intégralement par elle-même,
(…)
- Fixé la part contributive de Madame (…) à l’entretien et l’éducation de (l’enfant) à la somme de
150 euros par mois,
(…)
La mère, pour faire obstacle au maintien de la résidence habituelle chez le père, invoque des violences exercées par celui-ci ayant justifié son départ avec sa fille.
Extraits de l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 16 mai 2023 :
« Madame (…) justifie son départ avec sa fille par la nécessité de fuir les violences dont elle était victime du fait de (…) violences physiques et psychologiques en lien avec la situation d’emprise ayant débuté peu après leur mise en couple, étant indiqué que le coupe s’est rencontré courant mai 2010. »
Cependant :
« (…) La cour constate qu’hormis ses propres déclarations, Madame (…) ne produit aucun élément tangible de nature à caractériser un fonctionnement familial marqué par les violences de Monsieur. »
De surcroît, la cour d’appel rejette les demandes de la mère, constatant qu’aucun élément ne porte à penser que le père ne soit pas en mesure de prendre en charge sa fille matériellement ou qu’il ferait obstacle à l’exercice de l’autorité parentale de la mère.
En outre, la cour d’appel retient que le contexte dans lequel le père a donné son accord pour fixer la résidence habituelle chez la mère en cas de divorce était vicié compte tenu des circonstances et constate en s’appuyant sur le rapport de la CRIP que l’enfant a été très troublée de cette escapade avec la mère, dépossédée de tous ses repères et de tout contact avec son père.
Extrait de l’arrêt de la cour d’Appel de Paris en date du 16 mai 2023 :
« Suite au départ de Mme (…) avec (l’enfant), Monsieur (…) n’a pas pu voir sa fille durant au moins deux mois. Si les règles de confinement n'ont certes pas facilité les choses, il ressort d’un mail de Mme (…) en date du 8 mai 2020 (pièce 20 de Monsieur) que celle-ci était opposée à ce qu'il héberge leur fille. Elle y fait ainsi part de son opposition à ce que le père puisse accueillir sa fille le 12 mai 2020 alléguant les conseils de son avocat en ce sens mais elle ajoute qu'elle n'a aucune garantie sur le fait qu'elle pourrait reprendre avec elle ( l’enfant ) si elle accédait à la demande du père. »
La cour d’appel ajoute au regard du bilan scolaire de l’enfant versé par le père que l’enfant ne présente pas de difficulté au niveau de l’apprentissage et que celle-ci semble épanouie chez son père, maintenant ainsi la résidence habituelle chez lui.
Extrait de l’arrêt de la cour d’Appel de Paris en date du 16 mai 2023 :
« Depuis qu'elle réside chez son père, et contrairement aux allégations de Mme (…), (l’enfant) évolue sans difficulté.
M. produit le bilan scolaire (de l’enfant) pour le premier semestre de l'année 2022-2023 (pièce 65). Elle ne présente pas de difficulté au niveau des apprentissages; l'équipe enseignante note qu'elle "a progressé dans son attitude et son comportement d'élève en étant d'avantage concentrée et concernée par les apprentissages et en soignant son travail";
Au vu de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une quelconque mesure d'investigation, il n'apparaît aucunement démontré qu'il serait de l'intérêt (de l’enfant) de modifier sa résidence habituelle en ce qu'elle a été fixée chez son père; ceci d'autant moins que si les capacités de Mme en terme de prise en charge matérielle ne pose pas problème, elle n'apparaît pas en capacité de laisser sa place de père à M. Mme sera dès lors déboutée de sa demande de fixation de la résidence de (l’enfant) auprès d’elle. »
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