C’est la question que se pose un grand nombre de parents séparés, depuis le confinement.
Les règles de droit doivent normalement s’appliquer.
Cependant en ces temps difficiles des aménagements devraient être trouvés afin de respecter la loi mais en tenant compte des situations contraignantes actuelles.
Afin de bien comprendre ce qu’il serait possible de faire, il convient de rappeler les termes de la loi et leur application dans le contexte actuel.
1 - CE QUE DIT LA LOI
L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne.
La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale.
Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
Le concours de la force publique peut être requis pour faire exécuter une décision de juge aux affaires familiales ou une convention de divorce par consentement mutuel.
Le juge ou la convention amiable peuvent instaurer une résidence alternée de l’enfant une semaine sur deux au domicile de chacun des parents ou bien une résidence habituelle fixée au domicile d’un des parents et des droits de visite et d’hébergement de l’autre parent une fin de semaine sur deux, un milieu de semaine et la moitié des vacances scolaires par exemple.
Seul l’intérêt de l’enfant aura normalement guidé ces choix de modes de résidence, et c’est dans cet objectif que les parents seront amenés à respecter ces modalités ou bien à les modifier en fonction des circonstances, d’un commun accord.
En vertu du Décret du 23 mars 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les personnes devront remplir une attestation de déplacement obligatoire. Ladite attestation prévoit une autorisation de déplacement pour la garde d’enfants.
Le gouvernement interrogé à ce sujet, a confirmé que les parents séparés peuvent aller chercher, déposer ou ramener leurs enfants chez l’autre parent.
Aucune limite de distance n’a été fixée.
Cependant certains parents ont des domiciles très éloignés et se posent la question du déplacement des enfants dans ce contexte.
La loi dit que les mesures fixées quant à la résidence de l’enfant, peuvent être modifiées si les parents trouvent un meilleur accord. C’est ce meilleur accord entre les parents qui prend tout son sens aujourd’hui. En effet, on peut considérer qu’une pandémie de cette importance constitue un cas de force majeure qui s’impose à toute autre considération.
2 - CE QUE LES PARENTS PEUVENT DECIDER D’UN COMMUN ACCORD
Si les parents résident à proximité, ils peuvent pratiquer les modalités de résidence habituelles.
Si la distance entre les deux domiciles est importante et nécessite un voyage de plusieurs heures les parents peuvent considérer que les déplacements doivent être réduits au maximum.
Ainsi des parents ont décidé de mettre en pratique une résidence alternée de 15 jours chacun, ce qui correspond à la durée moyenne de la période d’incubation du virus, alors qu’ils pratiquaient habituellement une résidence alternée d’une semaine sur deux.
D’autres parents ont décidé de mettre en pratique une résidence alternée d’une semaine sur deux alors que la résidence habituelle de l’enfant était fixée chez la mère et que les droits de visite et d’hébergement du père étaient fixés une fin de semaine sur deux et un milieu de semaine sur deux.
Les droits ainsi fixés impliquaient trop de déplacements et c’est dans le but de les limiter que les parents sont parvenus à cet accord. Pourtant ils étaient auparavant en désaccord sur la résidence alternée et sont parvenus à s’entendre finalement en tenant compte de la situation particulière actuelle.
Ceci est un bon exemple de ce que peuvent décider les parents lorsqu’ils ne prennent en considération que l’intérêt de l’enfant.
Les parents se munissent de cet accord écrit et de l’attestation gouvernementale lors de leurs déplacements
Ce n’est qu’en cas de maladie que l’enfant ne devrait pas circuler. Là encore les parents devront accepter de déroger à la décision de justice ou à la convention amiable, pour convenir que l’intérêt de l’enfant est de le maintenir dans un seul domicile.
Ce ne sont pas des décisions aisées à prendre mais cette période est l’occasion pour les parents de montrer qu’ils peuvent se mettre d’accord en ces temps difficiles, dans l’intérêt des enfants. Des appels en visio (FaceTime, Skype…) ont été mis en place.
Il a été convenu également de remplacer les vacances de Pâques par une prolongation des vacances d’été.
Il est important de dire ici que déroger à la décision de justice ou à la convention amiable de divorce est une possibilité à envisager dans le contexte sanitaire actuel.
3. LES ABUS DE CERTAINS PARENTS
De nombreux parents appellent afin de demander conseil face au non-respect par l’autre parent de ses droits, sans justification.
Si le risque sanitaire existe et doit être pris en compte, comme dit plus haut, il arrive trop souvent qu’un parent utilise l’argument de ce risque pour faire obstacle aux droits de l’autre parent.
Le parent qui nous appelle demande que faire si l’autre parent l’empêche de prendre les enfants pour l’exercice de son droit de visite et d’hébergement.
Habituellement le parent ainsi lésé ira au commissariat afin d’obtenir l’aide de la force publique pour faire respecter ses droits. Aujourd’hui cette intervention est rendue difficile compte tenu du contexte de confinement.
Il convient de dire que la police doit continuer à intervenir et appeler le parent réfractaire afin de lui rappeler ses obligations, comme cela a été le cas dans notre affaire. Cela a eu un effet positif.
A défaut une plainte pénale peut être déposée pour non présentation d’enfant. Si cela peut s’avérer difficile dans les commissariats qui subissent eux aussi les conséquences du confinement, une pré plainte peut toujours être déposée en ligne.
Sans que les droits de l’autre parent ne soient pas respectés, il arrive qu’un parent exige d’appliquer strictement la décision de justice ou la convention amiable de divorce et refuse d’envisager d’autres modalités de garde des enfants.
Dans notre exemple, un parent avait l’obligation d’aller travailler et a refusé à l’autre parent le droit de garder les enfants alors que cela aurait été la meilleure solution.
Ici, l’absence de souplesse pour de pures considérations liées au conflit personnel, est également contraire à l’intérêt de l’enfant et la période que nous vivons devrait amener ces parents à réfléchir autrement.
En conclusion, le confinement ne doit pas servir de prétexte à un parent qui cherche à nuire à l’autre parent mais devrait constituer une ouverture vers la voie de la concertation et du respect du partage de l’autorité parentale.
Les enfants pris dans les conflits parentaux sont parfois en réel danger psychologique, comme le témoignent des juges pour enfants.
Cette période devrait amener les parents à revenir sur leurs positions passées strictes, ce que nous avons constaté dans certains cas et ce qui aura un impact réel à l’avenir.
Maître Catherine Wojakowski, Avocat au barreau de Paris.
Le 27 Mars 2020