La prestation compensatoire a été instituée afin de compenser autant qu’il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux.
Avant la Loi de 1975, les femmes étaient beaucoup plus nombreuses qu’aujourd’hui à ne pas travailler et il était impératif pour elles d’être protégées d’un dénuement total au lendemain de leur divorce.
La prestation compensatoire était à l’époque révisable en fonction des éventuelles modifications dans les ressources et besoins de chacun des ex-époux et pouvait être supprimée par le remariage de l’ex-époux bénéficiaire de la prestation.
Cette possibilité de révision rendait l’avenir des ex-époux trop incertain et avait entraîné de nombreux conflits postérieurs au divorce.
Le législateur de 1975 a voulu y remédier en supprimant cette possibilité de révision, instituant une prestation compensatoire forfaitaire non révisable sauf en cas d’exceptionnelle gravité.
Cette notion d’exceptionnelle gravité a toujours été interprétée de façon très stricte par la jurisprudence,rendant presque immuables les prestations compensatoires versées sous forme de rentes.
D’où la naissance d’une injustice encore plus importante que celle d’avant 1975 aboutissant à des situations parfois extrêmes dont l’ex-époux débiteur de la prestation ne peut se libérer. A titre d’exemple on peut citer le cas tout à fait réel d’un homme divorcé après seulement 4 ans de mariage,sans enfants, ayant été condamné à verser une rente à vie à son ex-épouse qui était sans profession. Ni son remariage (un an après son divorce) avec une femme également sans profession et la charge de ses deux enfants, ni la perte de son emploi, ni même le remariage de son ex- épouse n’ont permis à cet homme de faire modifier ladite rente, ceci sur une demande formée 20 ans après le prononcé du divorce!
Ce genre de situation qui n’est pas exceptionnelle est très mal vécue par la nouvelle famille,surtout en cas de décès de l’ex-époux débiteur de la prestation qui laisse à ses héritiers la charge du paiement de la rente.
En effet, que penser pour les enfants de l’homme cité dans notre exemple qui auront au décès de celui-ci l’obligation de continuer à payer la rente à une ancienne épouse qu’ils ne connaissent pas, sachant que leur mère est mariée à leur père depuis 19 ans.
L’ensemble des professions judiciaires est d’accord aujourd’hui sur la nécessité de réformer les règles en matière de prestation compensatoire.
Une proposition de Loi a été déposée afin de réformer la prestation compensatoire avant même l’étude d’une réforme générale du droit de la famille.
LES POINTS ESSENTIELS ENVISAGES
La nouvelle Loi favorisera le versement de la prestation compensatoire en capital plutôt qu’en rente en permettant le versement du capital sur huit ans.
Il sera possible d’envisager la révision des modalités de paiement du capital en cas de changement notable de la situation du débiteur.
En revanche, le solde du capital et la rente à verser seront toujours à la charge des héritiers de l’époux débiteur décédé.
Pour alléger cette disposition, il et prévu que sera déduit du montant de la rente due le montant de la pension de réversion éventuellement perçue par le créancier du chef du conjoint décédé.
La rente pourra être modifiée (uniquement à la baisse) voire supprimée en fonction des changements importants dans les ressources ou les besoins de chacun, ce qui mettra fin à la jurisprudence restrictive d’aujourd’hui qui a abouti à tant d’injustice.
Pour garantir le paiement de la prestation compensatoire, il est proposé la souscription d’un contrat d’assurance.
Restent deux problèmes cruciaux qui ont été très justement mis en lumière par le rapport de la Commission présidée par Madame DEKEUWER-DEFFOSSEZ :
– la coexistence de la liquidation du régime matrimonial avec l’instance en divorce,
et
– le régime fiscal des prestations versées en capital.
Aujourd’hui, seuls 20 % des jugements allouent une prestation en capital ; pourquoi ?
Tout d’abord parce que dans les divorces autres que les divorces par consentement mutuel, il n’ya aucune adéquation entre l’octroi de la prestation compensatoire et la liquidation du patrimoine des époux.
La coexistence de la liquidation du régime matrimonial et de l’instance en divorce permettrait de développer l’octroi d’une prestation en capital par l’attribution préférentielle par exemple d’un bien commun ou indivis.
La jurisprudence encore récente ne va hélas pas dans ce sens ; la Cour de Cassation a affirmé que le juge qui a condamné un des époux à payer une prestation en capital, ne peut différer le versement jusqu’à la liquidation de la communauté.
Ensuite, l’autre obstacle à surmonter, qui n’est pas le moindre, est celui de la lourdeur fiscale.
Catherine WOJAKOWSKI, avocat au Barreau de Paris
SOS PAPA magazine, N° 38, juin 2000.